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Retour de la conférence : « la place de la femme dans le monde du travail » – Par Valérie SACHE GROUES

Retour de la conférence

 « la place de la femme dans le monde du travail »

Un grand merci à Valérie SACHE GROUES

pour avoir animée cette conférence et pour  la rédaction de ce contenu

La place des femmes dans le monde du travail est une lente conquête de l’autonomie féminine ; incluant les aspects économiques, sociaux et politiques, cette volonté d’accéder à l’égalité s’est traduite par un des premiers combats féministes, l’éducation et la formation des filles.

Des premières femmes compagnons au Moyen Age, jusqu’à la présence de femmes dans les conseils d’administration, des siècles ont passé, et nous découvrirons à travers cette conférence, leurs histoires, celles des hussardes de la république, des ouvrières des manufactures des années 30,  des pionnières du monde scientifique, sans oublier  les « patronnes rouges » qui ont révolutionné le monde du travail bien avant l’acquisition des droits sociaux.

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Juriste et diplômée de Sciences Politiques, Valérie SACHE GROUES a été Directrice des Ressources Humaines, mais aussi co fondatrice ou associée dans plusieurs PME, cabinets de conseils ou Startups. Présidente du mouvement citoyen « la France a des Elles » qui se mobilise sur l’égalité Homme Femme dans le monde politique et le respect des droits fondamentaux des femmes, Valérie est aussi Vice-présidente de Démocratie 21 et une des animatrices du think tank « Les Féministes Universalistes Engagées ».

La femme au travail , cette femme hors de son foyer, nous pourrions croire que cette notion n’existe que depuis le XX ème siècle avec une présence de plus en plus prégnante dans le monde de l’entreprise ; et pourtant, les femmes ont bien partagé le sort des hommes de leurs conditions : pauvres jeunes filles ou jeunes filles pauvres, bien au-delà de l’image que certaines, peu, ont pu laisser de leurs carrières religieuses, littéraires  ou artistiques, celles-ci ont ouvert une voie, longue , difficile, celle du labeur ; et leurs existences , leurs combats ont souvent été oubliés.

Ce soir, pour une courte heure, je vous propose de vous rappeler d’elles ; les Marguerite, Angèle,  Marie, Emeline, … nous les suivrons à travers les siècles pour mieux comprendre l’importance qu’ a eu le travail des femmes dans l’économie, sa difficile monétisation, et parfois son impossible reconnaissance.

21688230_1429600373744303_3647237378125584687_oNous sommes le 11 octobre 1276, à Toulouse : sur la place des Carmes, la guilde des pelletiers est en émoi ! ce jour est jour de procès : Etienne, maitre pelletier de son état est mort et sa femme Agnès doit comparaitre devant leurs pairs. Que lui reproche t-on ? Agnès refuse de fermer le commerce de son mari, et elle réclame le droit d’exercer son métier. Il faut savoir que depuis le X ème siècle , il y a eu une véritable renaissance du travail urbain provoquée par les invasions normandes et sarrasines : les champs étant peu surs, les populations s’étaient mises à l’abri des châteaux forts et de petites industries artisanales avaient commencé à s’y développer. Face à ce changement, artisans et commerçants s’étaient alors dotés de confréries, les jurandes ou guildes, avec des constitutions règlementant les métiers. Ce seront les ancêtres de ce qu’ on appellera plus tard les corporations.  A Paris, où l’activité économique est plus importante encore, le prévôt Etienne BOILEAU, fait établir en 1268 un livre des métiers qui est un document très précieux : c’est grâce à lui que nous en savons plus sur le travail des femmes ; en effet, un grand nombre d’entre elles travaillait hors de chez elles, comme apprenties, ou plutôt ouvrières, mais aussi comme compagnonnes ; et certaines avaient même accédé à la maitrise avec une condition qui ne sera appliquée aux hommes qu’un siècle plus tard : celle de prouver leurs compétences dans le métier par la réalisation d’un chef d’œuvre. On y apprend aussi que certaines professions ne sont accessibles qu’aux femmes : les fileuses, les tisserandes de soie, les chapelières, les cardeuses de laine sont exclusivement féminines ; de fait, on trouve dans ces métiers des PRUDES FEMMES, équivalent des PRUD’HOMMES, qui ont pour fonction de régler les différents entre les ouvriers et leurs maitres.   Certains autres métiers sont mixtes, et dans ce cas, seules les veuves de maitres pouvaient les remplacer ; mais à la condition de rester veuve et de ne pas former de nouveaux apprentis ( ce qui à terme condamnait leurs échoppes ) ; en province, la situation est plus compliquée : on sait par exemple qu’à Arras « Margot, femme de l’orfèvre jean » se voit contrainte de payer une forte amende pour avoir vendu après le décès de son époux, un hanap d’or, ou que les soyeux lyonnais refusent l’accès des maitres à tisser aux femmes.

A Toulouse, Agnès va chèrement défendre son gagne-pain : pendant plusieurs heures, elle va expliquer : dès l’âge de 7 ans, son père l’ a prise comme apprentie ; puis après les 8 années de  stage requis, travaillant parfois 14 heures par jour, elle a été nommée compagnone, elle a épousé Etienne qui était le premier compagnon de son père, qui est à la mort de celui-ci est devenu maitre ; c’est elle qui dirige l’atelier et leurs quatre ouvriers, quand son époux part acheter ou vendre les peaux ! chacun sait, dans leur rue, que son travail est de qualité. Elle sait lire , écrire ,compter ; car au Moyen Age dans les paroisses, des maitresses d’écoles enseignaient  jusqu’à 12 ans pour les garçons, mais 11 pour les filles. Pourquoi cette différence de traitement ? le fameux chanoine FULBERT donne une explication : les filles sont plus vives d’esprit, plus aptes à apprendre, mais surtout les métiers auxquels on les destine, ne nécessitent pas de force physique, elles peuvent donc travailler plus jeunes.

Agnès continue : elle n’est plus jeune, elle a déjà 22 ans ; si on lui enlève son métier que fera-t-elle ? domestique ou ribaude ? C’est le cas de beaucoup de celles, qui, comme Emmeline la charretière n’ont  pas pu recueillir les 4 témoignages de moralité qu’on demande aux femmes veuves pour continuer à exercer.  Enfin plaide t’elle, elle a 3 enfants en bas âge, donc 1 est déjà son apprenti. Le Maitre Juré et les deux prudhommes décident alors : oui Agnès pourra être pelletière mais elle devra produire son chef d’œuvre afin de passer Maitre, avant la fin de l’année, qu’elle n’épouse en secondes noces qu’un ouvrier de son état et qu’elle soit reconnue de bonnes mœurs. Pour Agnès tout se fini bien.

Cependant, dans le reste du royaume, la guerre de 100 ans fait rage. La crise économique s’aggrave, et de nombreux compagnons se dressent contre leurs maitres quand ceux-ci emploient des femmes : cela sera le cas à Strasbourg chez les cordonniers. Sous la pression masculine, en moins de 10 ans le salaire des femmes ne représente plus que la moitié de celui des hommes : 12 sous pour un compagnon drapier à Paris, là où une femme sera payée 5 sous par jour.

Il y a cependant quelques exceptions ; là où la loi féodale met toujours une femme mariée sous le joug de son mari, les cathares eux la considère comme un être libre qui pouvait devenir, comme un homme, une parfaite, c’est-à-dire enseigner la religion et participer aux discussions théologiques ; instruites, ces cathares sont parfois restées célèbres dans l’histoire, notamment comme troubadours ou poétesses Marie de Ventadour ou Tiburge d’aulnes par exemple ; mais la plus célèbre d’entre elle, Christine de PISAN , n’est pas française ;

Arrêtons-nous quelques minutes sur son incroyable vie : née à Pise en 1364, elle arrive avec son père médecin astrologue et ses deux frères à la cour de France grâce à Charles V qui apprécie sa science. Enfant curieuse et intelligente, plus que ces deux frères, son père lui fait apprendre le latin, le grec et le français à l’université. Elle se marie à 17 ans avec Estienne du Castel, poète de son état. CHARLES V mort, son père tombé en disgrâce, elle quitte la cour et son mari décède peu de temps après la laissant sans ressources. A 25 ans, Endettée et harcelée par des huissiers, elle découvre alors un monde de misère qui va la toucher profondément et être en partie la base de ses œuvres. Un ami  lui conseille alors d’utiliser son talent « rimez, c’est le remède à tous les maux » ; elle commence alors à écrire des complaintes, des balades et les vend aux libraires de la Montagnes Sainte Geneviève. Le Duc de Bourgogne découvre alors un de ses poèmes : OTHEA , c’est le début de sa gloire ; mais toujours marquée par la période de veuvage et de sombre misère qu’elle a connue , elle part en bataille pour la réhabilitation des femmes et en particulier celui de leur instruction ; dans le trésor de la citée des dames, elle écrit «  si la coutume était de mettre les petites filles à l’école, elles entendraient aussi les subtilités de tous les arts et les sciences ». Quelques mois avant sa mort en 1430, elle aura la preuve éclatante de la valeur des femmes : une pucelle qui chevauche comme un homme a conquis Orléans . Quand Jeanne sera arrêtée et accusée de sorcellerie, elle sera une des rares à prendre la plume pour la défendre. CHRISTINE s’éteint avec en mémoire une héroïne, quelques dizaines d’années avant la Renaissance ; elle aurait eu certainement du mal à imaginer qu’entre deux époques extrêmes, le Moyen Age et le XIX ème siècle, la cause des femmes qui lui était si chère, ne demeurera même pas statique, elle va régresser avec une brutalité extrême.

« Je m’appelle Marguerite, Madame l’intendante, et j’ai 6 ans ; je rejoins mes 3 sœurs et ma mère », dit elle fièrement ; car elle est fière la petite Marguerite : elle rejoint la Manufacture Royale de Dentelles d’Alençon connue comme une des meilleures pour le Point de France. Plus de 8000 personnes vivent de cette industrie à Alençon, et on dénombre presque 5000 Dentelières.

On a expliqué à Marguerite l’importance de cette tâche : Monsieur COLBERT, surintendant des bâtiments et manufactures, a lancé il y a quelques années une grande réforme du système économique qui consiste à acheter des matières premières bons marché pour les transformer en produit de qualité qui se vendront plus chers afin d’avoir une balance des paiements excédentaires. Pour cela, il faut industrialiser la France, créer une marine marchande puissante et ouvrir des manufactures.

Il faut dire que la période de la Renaissance, si elle a été fructueuse en terme artistique et bénéficie d’un rayonnement culturel et intellectuel rare, a été économiquement une catastrophe.

Les guerres de religion entre protestants et catholiques ont fait fuir les citadins pour les campagnes, avec pour conséquences la perte des métiers «  de grande adresse » mais au profit d’un monde rural où les femmes vont prendre une part importante : laboureuses, chanvrières, fermières, on retrouve des témoignages de leurs taches multiples qui sont très exactement décrite dans un ouvrage datant de 1564, de Charles Estienne «  la Maison rustique » : le potager, la volaille le pain , les ruches, l’entretien du feu, l’apport de l’eau : tout ceci est du ressort des femmes, les hommes ayant pour taches « l’achat et la vente du bétail, le maniement du denier et le payement des serviteurs ». En Provence, les taches féminines s’étendent encore au-delà «  puisqu’on les voit conduisant des chevaux, portant des fardeaux et labourant la terre » ; en effet la majeure partie de la population ne détient pas sa propre terre et est composée de manœuvriers dont les salaires sont si faibles qu’il est obligatoire pour une famille d’y ajouter l’appoint du salaire des journalières qui sont payées environ 60% du salaire des hommes. Ce qui est aussi marquant à cette époque, est l’importance des naissances : en effet le métier de sage-femme c’est largement répandu lors de la première moitié du 16 ème et va même se spécialiser au 17 ème avec la création des écoles d’accouchement ( centre de formation de deux mois)

Au début du 17 ème les impôts deviennent si lourds, les famines décimant les populations trop nombreuses, que des émeutes paysannes ou jacquerie se déclarent dans tout le pays ; la France s’approche de l’insurrection : il est urgent de le transformer, c’est Colbert qui le fera en ouvrant  17 manufactures royales : soieries, dentelles, bas de laine, porcelaines, vitreries et glaces  ,  toiles de bateaux et d’habillements, tapisseries, tous les secteurs industriels ou presque vont prendre leurs essors à cette période.

Mais pourquoi tant de femmes dans ces nouvelles industries ? On trouve la réponse dans rapport de l’intendant Bouillon, alors en charge des soieries de Lyon : « naturellement porté à la vie sédentaire, plus patient, plus assidu au travail, plus propre, plus timide, le sexe féminin toujours sans parti, sans cabale aura plus de délicatesse dans les objets qu’il produira ; et quels qu’ils soient et il les établira à plus bas prix , ce qui en fait de commerce sera toujours le point capital »

Ainsi, la main d’œuvre féminine est embauchée en masse et jalousement gardée : 18 heures par jour, enfermée dans de vastes bâtiments , la discipline est très rigoureuse afin d’obtenir  le maximum de rendement. L’ouvrière ne quitte sa place que pour un court déjeuner , le silence est obligatoire afin de ne pas les distraire de leurs besognes . Logées et nourries, elles doivent assister chaque matin à la messe. Si cette servitude est acceptée, c’est qu’il est considéré comme un grand honneur d’y travailler, les salaires sont plus élevés qu’ailleurs, leurs maris ou pères sont exemptés d’imposition ainsi que de guet et de garde. Et si une même famille envoie plus de 3 enfants , la taille est diminuée de moitié. C’est ainsi que l’on voit des familles complètes, même des petits enfants acceptés à partir de 4 ans pour certaines tâches.  Quelques ouvriers cependant se révoltent, des hommes pour la plupart, car les perdants ce sont eux : en effet, on leur préfère les femmes qui gagnent 2 fois moins pour la même tache. Deux nouveaux métiers exclusivement féminin apparaissent : les placeuses ou « recommanderesses » qui écument les campagnes pour recruter des ouvrières, et les Nourrisses ;  on peut faire travailler les femmes, mais celles-ci continuent à enfanter !!! pour qu’elles puissent continuer à produire, leurs enfants seront élevés par d’autres : on les confiera à de robustes paysannes . Sous cette impulsion mercantille, l’instruction des filles est presque totalement abandonnée : à l’exception de quelques demoiselles instruites par des ursulines, l’illettrisme des femmes est galopant : en 1690, seules 14% de femmes sont capables de signer de leur nom leur contrat de mariage ; et même celles qui y ont accès ne se voient transmettre que bien peu de chose dans le domaine intellectuel : lectures d’ouvrages religieux, chants de cantique, quelques notions de calcul. EN 1680 pourtant un « traité de l’éducation des filles » est édité par l’archevêque de Cambrais, FENELON : il recommande l’enseignement de l’histoire, la poésie, les règles de justice et de grammaire ; sa pensée animera d’ailleurs les éducatrices du 19 -ème siècle.

Comme FENELON , quelques voix se sont élevées pour dénoncer la condition féminine : Poulain de la BARRE, dans son ouvrage «  de l’égalité des deux sexes » qui revendique pour les femmes le droit d’exercer toutes les professions en 1673, BEAUMARCHAIS qui dénonce la condition des femmes sans fortune dans le MARIAGE DE FIGARO, l’abbé CLAUDE FLEURY qui réclame une instruction supérieure pour les filles.

MAIS UNE VOIX SURTOUT VA SE FAIRE ENTENDRE: elle vient d’Angleterre celle de MARY WOLLSTONECRAFFT, à l’aube de la révolution française , dans son ouvrage traduit en français « la défense du droit des femmes » . Le poète anglais SHELLEY dira d’elle «  elle avait conscience de défendre la moitié de l’espèce humaine qui peinant à travers les âges, avait perdu le statut d’être pensant, et qui était presque revenue au niveau de la bête de somme » . Ces écrits furent d’une telle portée, que 25 ans plus tard,  la nuit du 4 aout 1789 on trouvera une requête des dames à l’assemblée nationale «  vous venez d’abolir les privilèges, abolissez aussi celui du sexe masculin ». CONDORCET ,LAKANAL , GILBERT ROMME, tous ces députés proposeront à la Constituante des projets sur l’instruction et en particulier celui des filles ; MARRAT soutiendra les clubs des républicaines révolutionnaires en argumentant «  un peuple ne peut changer, un état se constituer durablement que si les femmes et les filles participent à ce changement » ; les voix et protestations de militantes lyonnaises Pauline LEON ou Claire Lacombe , les meneuses des révoltes des filatures de coton en 1794 , comme Benoite TRIBEL, ou les mobilisatrices des émeutes de la faim à Paris au printemps  1795, MARIE MANDRILLON, Rose LAMI,  finiront dépotées en Guyanne ; une seule restera dans l’histoire OLYMPE DE GOUGE, qui elle a été décapitée.

La Révolution n’a donc rien apporté aux femmes , leur situation, notamment civique et politique s’aggrave même avec le code napoléon en 1801 .

Marguerite Guerin née le 3 janvier 1816, de père inconnu. Sa mère Pierrette est couturière et Marguerite gardienne d’oie. La misère des campagnes est vive : au XIXeme siècle la moitié de la population vit dans les campagnes et on dénombre plus de 40% de femmes dans la paysannerie ; leur statut a peu changé et parmi les jeunes paysannes, nombreuses sont celles qui vont participer à l’exode rural pour gagner les villes à la suite de leurs maris ou envoyées par leurs familles  :  domestiques, bonnes d’enfants, mais surtout dans les fabriques : la mécanisation de l’outillage avec la machine à vapeur ou à charbon n’exige en effet pas un gros effort physique et comme l’écrit Charles DUPIN en 1827 «  les applications de la mécanique ont un autre avantage ; la femme est peu favorisée de la nature quant à la force physique ; elle ne peut suppléer à sa faiblesse que par cette habile économie des forces et par cet emploi judicieux de leur adresse » ; cette adresse est peu récompensée car on constate toujours que les femmes sont payées moins de la moitié que les hommes , et le cas échéant on s’adresse à elles pour remplacer les hommes grévistes. UN NOUVEAU TYPE de travailleuse apparait ainsi avec cette révolution industrielle la femme prolétaire : certaines s’uniront à la lutte des classes qui lie l’émancipation de la femme à celle du prolétariat : FLORA TRISTAN invite ainsi les femmes à se rassembler dans une UNION OUVRIERE , SAINT SIMON plaidera pour une ordre social basé sur l’égalité de salaire comme condition de la liberté des femmes.

A la suite de beaucoup, Marguerite quitte donc sa campagne et arrive à Paris en 1829 où elle est placée à 13 ans comme blanchisseuse . Elle y fait la connaissance d’un jeune employé ARISTIDE BOUCICAUT qui est premier vendeur au BON MARCHE ; mercerie modeste à l’angle de la rue de Sèvre et de la rue du Bac ; à force de travail, Aristide va pouvoir s’associer et le couple BOUCICAUT a une vision très moderne du commerce du détail : ils inventent ainsi la mise en scène des produits pour les rendre attractifs, le prix fixe pour éviter le marchandage, le slogan « satisfait ou remboursé » pour fidéliser la clientèle. Grace  à un prêt  , les BOUCICAUT rachètent l’intégralité de la mercerie et surtout ils recrutent ; Marguerite, l’enfant pauvre, n’a pas oublié son passé et elle est persuadée que la nouvelle industrie du travail doit s’accompagner d’une transformation des rapports entre patrons et salariés. ELLE CREE AINSI : l’intéressement au résultat, la santé collective (un médecin est recruté pour donner des soins aux employés et à leurs famille), une caisse de prévoyance alimentée par les bénéfices de l’entreprises permettant aux salariés après 15 ans de présence de partir avec un petit capital, des aides au logement, notamment pour les jeunes filles arrivant à la capitale avec des règles strictes d’entrée et de sortie, une cantine où les employés peuvent se restaurer d’un repas complet deux fois par jour . EN 1872, désireuse d’encourager l’étude ,  MARGUERITE décide d’organiser des cours du soir notamment de langue anglaise, une bibliothèque est mise à disposition et elle crée un nouveau métier « la demoiselle de magasin ». APRES LE DECES DE SON mari en 1877, MARGUERITE décide de céder à ses employés les plus fidèles des parts de son magasin et n’ayant pas d’héritier, elle fait don à PASTEUR de la somme énorme pour l’époque de 250 000 francs or pour développer son institut. Enfin elle crée sur sa fortune personnelle l’hôpital BOUCICAUT en donnant tout ce qui reste de sa fortune à l’assistance publique de Paris , avec une demande : celle d’accueillir les plus pauvres, les plus misérables, les filles mères. A sa mort, le Bon Marché a 3173 employés et ses funérailles seront celles d’un chef d’état. La journaliste LUCIENNE DELILLE écrira « qui peut imaginer en voyant passer la magnificence du cortège funéraire qu’il s’agit de Madame BOUCICAUT, bourguignonne illettrée et gardeuse d’oie » ; Marguerite est rentrée dans l’histoire littéraire sous le nom de DENISE, car c’est elle qui a inspiré ZOLA dans au Bonheur des Dames.

A LA MORT DE MARGUERITE LA PATRONNE ROUGE , 38% des salariées non agricoles sont des femmes, cette force de travail pousse alors le législateur à prendre des dispositions via la loi du 19 MAI 1874 dite loi du travail de la femme : les journées de travail sont limitées à 12 heures, le travail  de nuit est interdit avant l’âge de 21 ans, les filles et les femmes ne peuvent être admises dans les travaux souterrains : mines, carrières et minière. EN 1900, la loi du 31 décembre prévoit que le nombre de siège devra être égal à celui du nombre de femmes employées dans chaque magasin, et la suspension du travail de la femme pendant 8 semaines consécutives dans la période qui précède et qui suit l’accouchement ne peut pas être une cause de rupture par l’employeur »

En parallèle l’instruction des filles est organisée : en effet, en 1867 une enquête de la chambre des communes a révélé que si 75% des hommes savent lire, seules 57% des femmes le peuvent : l’obligation est alors faite en 1880 d’ouvrir des écoles normales supérieures de filles , des externats et des lycées dans tous les départements. CES MESURES PERMETTENT ALORS AUX FEMMES D’ACCEDER A D’AUTRES METIERS : institutrices, dentistes , médecins, (la première femme médecin sera MADELEINE BRES EN 1875), et en 1900 le droit de s’inscrire au barreau après la lutte acharnée de JEANNE CHAUVIN , première docteur en droit ;

L’administration aussi se féminise : avec notamment les « demoiselles du téléphone » on en comptera en 1900 , 20 000  sur le territoire.

MAIS AU MILIEU DE CES EVOLUTIONS SUBSISTENT TOUJOURS LE PROBLEME DE LA REMUNERATION DES FEMMES : entre 1890 et 1909 on dénombre pas moins de 56 grèves d’ouvriers : les causes en sont toujours les mêmes, les hommes veulent le renvoi des femmes  : «  si nous luttons contre les femmes parmi nous ce n’est pas le sexe que nous combattons, c’est un instrument d’abaissement du salaire, c’est un travailleur à prix réduit » écrira KEUFER président de la fédération du livre en 1909 ; les femmes ouvrières se mettent à faire grève elles aussi : à Marseille, les casseuses de sucre, à Dunkerque et à Rennes, les ouvrières voilières, les bouchonnières de Gonfarons dans le Var : toutes réclament le droit à l’égalité salariale.

NOUS SOMMES A L AUBE DE LA GRANDE GUERRE : pendant cette période,  les femmes ont remplacé les hommes dans les usines et dans tous les aspects économiques ; 1,5 millions de mort, et 300 000 disparus soit 30% des hommes de 18 à 27 ans ne reviendront pas : le travail des femmes , au-delà de la monétisation, est devenue une nécessité , et au lendemain de la deuxième guerre mondiale,  elles seront 60% à travailler dans presque tous les secteurs d’activités

« Valérie, réveilles toi, il est faut aller à l’école » ! je viens d’arriver en France , nous venons d’Allemagne où l’école maternelle n’existe pas : et j’ai très peur de ce premier jour ( j’ai peur des autres enfants, de rester enfermée, de cette institutrice qu’il va bien falloir écouter) ; alors je me fais toute petite, encore plus que d’habitude : je regarde les autres et j’écoute bien attentivement. A la fin de cette première journée, ma mère est venue demander des nouvelles : mon institutrice dit alors « elle est sage et attentive ; on devrait en faire une bonne élève ; il est un peu tôt pour le dire répond ma mère mais elle est pleine de bonne volonté, alors elle fera ce qu’elle pourra. Mon institutrice  m’a regardé et a souri «  non , Valérie fera ce qu’elle voudra, car dans notre pays les femmes font ce qu’elles veulent »

Mon institutrice était une hussarde de la république : convaincue que l’éducation libre, gratuite et obligatoire était la porte d’entrée à tous les possibles ; elle avait déjà vu tant d’évolutions dans sa vie : rappelons-nous de quelques dates

1946 : Le principe de l’égalité absolue entre hommes et femmes est inscrit dans la Constitution de la IVe République.

1965: Le mari n’est plus le « chef de famille ». La femme peut exercer une profession et ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation du mari

1972: Principe « à travail égal, salaire égal ».

1983: Lois Roudy sur l’égalité professionnelle hommes/femmes

2001 : interdiction du travail de nuit des femmes.

2011 : loi qui prévoit l’instauration de quotas de femmes dans les instances dirigeantes et conseils d’administration des grandes entreprises

2014 : LOI  pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes / Loi très vaste

2° Des actions visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ;
3° Des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes ;
4° Des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse ;
5° Des actions de lutte contre la précarité des femmes ;
6° Des actions visant à garantir l’égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les métiers ;
7° Des actions tendant à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un partage équilibré des responsabilités parentales ;
8° Des actions visant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ;
9° Des actions visant à garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et leur égal accès à la création et à la production culturelle et artistique, ainsi qu’à la diffusion des œuvres

Et aujourd’hui, où en sommes-nous ?

80% des femmes sont actives entre 18 et 45 ans

45% des cadres sont des femmes,

Les femmes sont majoritaires dans les études universitaires et supérieures ( 60% dans des masters) mais sur représentées dans les filières littéraires ( 75% en langues, en science sociale)

A parité dans les écoles de commerce ( 49 POUR 51) mais sous représentées dans les écoles d’ingénieurs ( 28%)

Tous temps de travail confondus, les salaires des femmes représentent en moyenne 76 % des salaires des hommes. Les femmes touchent donc 24 % de moins que les hommes mais grande disparité existe derrière ce chiffre : les femmes cadres – 35%  que leurs collègues hommes, les ouvrières – 22%, les  classes intermédiaires – 7%

Une entreprise de moins de dix salariés sur cinq est dirigée par une femme. Pour les grandes entreprises, c’est moins d’une sur dix !

Les comités de direction des entreprises du CAC 40 rassemblent très peu de femmes : 7,5%

On assiste aussi à deux phénomènes :

le plafond de verre et maintenant la falaise de verre

Les femmes sont plus dans la conviction, elles veulent le poste alors elles parlent de motivation, de compétence ; mais quand on parle de salaire, le regard est fuyant : elles savent qu’un de leurs atouts est d’être moins chère ; c’est là l’origine du plafond de verre : cette conviction encore et toujours qu’une femme doit faire  ses preuves, qu’elle n’est pas forcement légitime, que son salaire n’est pas un élément négociable.

L’autre phénomène,  la falaise de verre,  est le nouveau piège qui consiste à donner aux femmes les projets dont les hommes ne veulent pas :  sans budgets, sans moyens, sans visibilité interne ;  mais elles les acceptent car  c’est une solution pour accéder à d’autres postes : management, international , technique ; l’apprentissage toujours leurs moteurs de réussite ;  dans ces projets, la réussite est rare , et  personne n’ira dire que ce projet était pipé, non : on dira qu’ elle a échoué, « on n’aurait pas dû le confier à une femme » .La première des luttes pour les femmes est et reste l’égalité économique : elle est notre dignité, notre moyen de subsistance, notre unique possibilité de s’insérer durablement dans le marché du travail en faisant reconnaitre nos compétences.