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Le Laboratoire de l’Egalité : Il faut favoriser l’égalité professionnelle femmes–hommes pour transformer la fonction publique

Retrouvez la tribune cosignée par le Laboratoire de l’Égalité, l’Association des Administrateur Territoriaux de France, et Administration Moderne sur le site de Libération.fr

Malgré un volontarisme affiché, l’administration peine à combler ses lacunes en matière de parité.

Erigée en cause nationale par le président de la République, l’égalité femmes-hommes constitue, pour toute organisation, un levier puissant de modernisation, d’efficacité d’action et de qualité de gouvernance. Autant d’objectifs particulièrement nécessaires dans la fonction publique, garante de la défense de l’intérêt général.

Mécanismes discriminatoires

Les règles des concours de la République garantissent depuis 1945 un accès «sans distinction de rang ni de fortune, sans cooptation ni favoritisme». Pourtant, à recrutement identique pour les femmes et les hommes, les écarts en termes de déroulement de carrière restent frappants. La question des inégalités femmes-hommes dans l’ensemble de la fonction publique, comme ailleurs, est systémique : des mécanismes d’éviction et de discrimination des femmes sont à l’œuvre tout au long de leurs carrières. Grâce à un système de quotas, la loi Sauvadet, adoptée en 2012, a permis des avancées positives s’agissant de l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions les plus élevées dans les trois versants de la fonction publique. Cependant, la publication en mars des chiffres officiels ternit son bilan : les objectifs pour 2017 de 40% de personnes de chaque sexe parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux emplois d’encadrement supérieur n’ont été atteints ni dans la fonction publique d’Etat (36%), ni dans la fonction publique territoriale (34%). Seule la fonction publique hospitalière respecte l’exigence légale avec 49%.

Malgré une hausse continue de la féminisation de l’encadrement supérieur, les femmes ont besoin d’être soutenues tout au long de leur carrière. Les carrières interrompues, les temps partiels occupés à 82% par les femmes font partie des facteurs qui défavorisent un déroulement de carrière harmonieux. Si les femmes sont majoritaires en nombre dans la fonction publique, elles restent minoritaires dans l’encadrement supérieur et dirigeant. Au moment où le débat parlementaire bat son plein sur le projet de loi Dussopt, il importe de ne pas rater le coche de l’égalité professionnelle et d’en faire une véritable priorité au bénéfice de la transformation de la fonction publique. C’est pourquoi, le texte qui, tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, est en deçà de l’enjeu que représente l’égalité femmes-hommes, doit accueillir de véritables avancées.

Renforcer, contraindre, sanctionner

Tout d’abord, il importe de maintenir la pression des pénalités financières pour les administrations qui ne respecteraient pas les règles de nominations équilibrées et d’utiliser les fonds récoltés pour financer des projets en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. En outre, il est nécessaire de renforcer le dispositif des nominations équilibrées sur les emplois de direction et d’élargir son périmètre aux juridictions, aux établissements publics au sens large et descendre son seuil d’application pour les collectivités de 20 000 habitants. De plus, ce dispositif doit absolument fixer des objectifs de nominations équilibrées sur le stock et pas seulement sur le flux des nominations, et concerner tous les niveaux d’encadrement

S’agissant de la lutte contre les inégalités salariales, le projet de loi est laconique. Plutôt que de renvoyer au plan d’action «égalité professionnelle» que doit prendre chaque employeur public d’ici à la fin 2020, il faut dès à présent prévoir au niveau législatif des contraintes en matière d’égalité salariale avec notamment l’application à l’ensemble de la fonction publique de l’index de l’égalité femmes-hommes tel que cela est d’ores et déjà prévu pour le secteur privé. Enfin, le projet de loi n’aborde pas la réduction des écarts femmes-hommes dans les taux de promotion alors que de nombreux verrous existent au cours de la progression de carrière des femmes – dans les passages de grades ou au tour extérieur. Ces distorsions ont un impact majeur dans la constitution ultérieure de viviers pour les postes les plus élevés. Il est donc indispensable d’introduire une disposition créant un écart maximal de dix points entre le rapport femmes-hommes chez les agents qui remplissent les conditions d’une promotion et le rapport femmes-hommes des agents finalement promus.

Pour réussir la grande cause du quinquennat de l’égalité professionnelle femmes-hommes, la loi de transformation de la fonction publique doit être à la hauteur de l’enjeu et ne pas constituer un rendez-vous manqué. Il y a un lien intrinsèque entre la modernisation de l’action publique et l’application d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes au sein de l’administration. Au-delà du seul objectif de justice, cette égalité est un facteur puissant d’efficacité, d’innovation et de cohésion au service du pays.

Par Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l’Égalité Fabien Tastet, Président de l’association des administrateurs territoriaux de France (AATF) et Les membres d’Administration Moderne , Association interministérielle des femmes hautes fonctionnaires