Alors que les entreprises d’au moins 250 salariés devront bientôt compter au moins 40 % de femmes au sein de leurs conseils d’administration et de surveillance, KPMG et l’association International Women’s Forum France se sont intéressés à la féminisation des instances dirigeantes au sein des entreprises non cotées.
Par Catherine Quignon Publié le 08 juillet 2019 à 06h15
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« Les sociétés entre 500 et 2 500 salariés comptent en moyenne 23,4 % de femmes dans leurs Comex ou leurs directoires, contre 21,5 % pour celles qui affichent entre 250 et 500 salariés et 21,2 % pour celles qui en emploient entre 50 et 250 » John Devolle/Ikon Images / PhotononstopLa parité gagne du terrain au sein des instances dirigeantes des grands groupes, tenus par la loi Copé-Zimmermann de nommer au moins 40 % de femmes au sein de leurs conseils d’administration et de surveillance. Mais qu’en est-il des plus petites entreprises, alors que se profile en 2020 l’élargissement du champ d’application de la loi susdite aux sociétés d’au moins 250 salariés ? A l’occasion des premières Assises de la parité, qui se sont tenues le 20 juin et qui ont réuni près de 900 décideurs et chefs d’entreprise, KPMG et l’association International Women’s Forum France (IWF) se sont intéressés à la féminisation des organes de gouvernance au sein des entreprises non cotées.
Premier constat : les PME et les ETI sont à la traîne. Les conseils d’administration et de surveillance des sociétés auditées par KPMG ne comptent en moyenne que 22,6 % de femmes pour les entreprises comptant 50 à 250 salariés et 21,7 % pour celles de 250 à 500 salariés. Soit un taux de féminisation deux fois moins important que dans les grands groupes, puisqu’il s’élève en moyenne à 43,8 % dans les entreprises employant 500 à 2 500 salariés.
Lire aussi Egalité femmes-hommes : le nouvel index des grandes entreprises obtenu à l’arraché« Il est évident que pour ces dernières, c’est la loi qui a permis de faire bouger les choses », commente Lucille Desjonquères, présidente de l’IWF et PDG du cabinet de chasseur de têtes Leyders Associates. En attendant son élargissement en 2020, la loi Copé-Zimmermann s’applique pour le moment aux sociétés cotées et aux entreprises de plus de 500 salariés présentant un chiffre d’affaires net supérieur à 50 millions d’euros. « La loi Pacte a aussi réintroduit une disposition qui avait été supprimée dans la loi Copé-Zimmermann, à savoir que les délibérations des conseils d’administration deviennent nulles s’ils ne comptent pas au moins 40 % de femmes en leur sein », se réjouit-elle.
Les nombreux obstacles pour une véritable parité
Autre enseignement de l’étude menée par KPMG : si 35 % des entreprises interrogées se montrent désireuses de faire progresser la féminisation de leurs instances dirigeantes, moins de la moitié déclare avoir identifié les mesures qui leur permettraient d’atteindre une plus grande parité.
Lire aussi Françoise Thébaud : « La construction européenne a incontestablement profité aux femmes »Afin de recruter des profils adéquats, les PME utilisent principalement la promotion interne, tandis que les ETI passent majoritairement par des recrutements externes, révèle l’étude. « Les sociétés qui rencontrent le plus de difficultés sont les industries et les sociétés informatiques », constate sans surprise Lucille Desjonquères. Prenant l’exemple de Naval Group, qui a pour ambition de recruter 35 % de femmes dans un secteur industriel où la moyenne se situe généralement à 20 % environ, la présidente de l’IWF appelle ces entreprises à diversifier leurs recrutements dès la base : « il y a aussi des femmes ingénieures ! »
Lire aussi Egalité salariale hommes-femmes : les entreprises seront notéesAutre bémol, la parité dans les comités exécutifs ou de direction, qui sont les véritables organes de décision des entreprises, est loin d’être atteinte, quelle que soit leur taille. Les sociétés entre 500 et 2 500 salariés comptent en moyenne 23,4 % de femmes dans leurs Comex ou leurs directoires, contre 21,5 % pour celles qui affichent entre 250 et 500 salariés et 21,2 % pour celles qui en emploient entre 50 et 250. Par ailleurs, « si on enlève les fonctions communication et RH, on ne compte que 4 % de femmes occupant des fonctions “business” dans les Comex », regrette Lucille Desjonquères.
Une prise de conscience indispensable des dirigeants
Tout en reconnaissant qu’il est plus délicat de passer par des recrutements externes, afin de trouver des profils adéquats pour siéger dans les comités exécutifs, la présidente de l’IWF recommande aux entreprises de raisonner davantage sur le long terme : « Les DRH doivent faire des “people review” en identifiant les talents féminins et en les faisant monter de l’intérieur pour qu’elles puissent finalement intégrer les Comex », conseille Lucille Desjonquères.
La spécialiste cite le cas de Pernod Ricard, qui fait tourner ses talents féminins sur différents postes en France et à l’étranger, afin qu’elles acquièrent une véritable expérience opérationnelle. « Il y a suffisamment de profils féminins adéquats pour siéger dans les conseils, il faut seulement que les entreprises fassent l’effort de les chercher », martèle Lucille Desjonquères.
La mise en place de l’index pour l’égalité femmes-hommes dans les entreprises et le mouvement sociétal initié par le raz-de-marée #metoo accéléreront-il la prise de conscience des dirigeants ? « Certainement, affirme la présidente de l’IWF. S’il n’est pas question pour le moment d’imposer des quotas de femmes dans les Comex, les entreprises finiront par y être obligées si les choses ne bougent pas d’elles-mêmes. »
Lire aussi Egalité femmes-hommes : Muriel Pénicaud menace 200 entreprises de sanctionsPrésente aux Assises de la parité, Marlène Schiappa a d’ores et déjà annoncé qu’une mission serait confiée à la rentrée au Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes pour étudier l’opportunité de relever les quotas existants au sein des conseils d’administration et de surveillance à 50 %. En attendant la prochaine étape ?